Un peu d'histoire

Petit historique de Rognes

ROGNAS : 1092

ROGNIS : 1150

CASTRUM DE RUINIS : XIVème siècle

Selon Frédéric Mistral : « Lieu couvert de rochers éboulés ». Mais on peut aussi penser aux ruines de  l’oppidum de l’âge de fer attesté sur le plateau où se réfugièrent les premiers «Rognens » au IXème ou Xème siècle.

Le nom du plateau fondateur : le Foussa «Creusé de grottes ».  Il s’agirait plutôt d’un fossé sec séparant le village de la citadelle jusqu’au XVIIème siècle.

Situé entre Trévaresse et Durance, le territoire de Rognes (5800 hectares environ), vallons plus élevés au sud, plaine fertile au nord, est serti de collines boisées. Des outils et des éclats de silex vieux de 100 000 ans, découverts près de Brès et de Ribière, attestent de son occupation dès la Préhistoire.

Au Néolithique, puis à l'Age du Bronze

Les hommes s'installent au sud de la chaîne des Côtes, à Valfère, à Pié Fouquet et du côté de Beaulieu.

A l'Age du Fer

(1er millénaire avant notre ère) Poussées par les invasions celtes, les populations se réfugient sur les hauteurs, ici Chaberte et Péguerin, fondant des oppida ou villages fortifiés. Ceux-ci surveillent les voies de passage reliant la côte, Marseille et les étangs de Fos au Vaucluse, territoire des Cavares et aux Alpes du Sud. Les chemins qui traversent notre territoire servent au transport du sel et du vin vers le nord, des métaux du nord vers la Grèce et l'Etrurie.

Au premier siècle avant notre ère

La puissance militaire et commerciale romaine impose la « pax romana », permettant aux celto-ligures de descendre des hauteurs, et, avec les colons romains, d'installer de grands domaines dans la plaine. Une vingtaine d'établissements gallo-romains ont été recensés sur le territoire de notre commune. Les plus importantes de ces « villae » se trouvent dans le secteur de Tournefort-Conil, à Beaulieu, à Barbebelle, au Grand-Saint-Paul, à Ribière, aux Cannes. On trouve près de Barbebelle un mausolée construit par une famille de chevaliers romains, les Domitii Aquenses, colons aixois. La culture de la vigne dès cette époque est attestée par deux statues de Bacchus et Priape, dieux du vin trouvées à Tournefort. Un établissement du 1er siècle de notre ère existe au pied même du village actuel, au nord de la rue Fontvieille, avec huilerie et nécropole.

Pour la période archaïque du christianisme

La « villa bedata », une des nombreuses possessions de l'abbaye Saint-Victor, pourrait être l'ancêtre de notre chapelle Saint-Marcellin. Un autel païen christianisé et des sépultures du haut-Moyen-Age ont été trouvés sur le site. Plus tard, les chapelles se multiplient sur les lieux de culte païens : Sainte-Marie de Conil, Saint-Pierre de Mols, le Grand-Saint-Paul, Ribière, sanctifiant tout le territoire.

Le Moyen-Age

L'insécurité du Haut Moyen-Age fait remonter les populations sur les hauteurs.
Pour Rognes, ce sera notre actuel « Foussa », plateau perché de huit cents mètres carrés, situé au beau milieu du territoire, qui deviendra le berceau du village historique. Mais les pentes de cette colline, avec leurs « crottes » troglodytiques, si proches de l'établissement antique situé en contre-bas, semblent n'avoir jamais cessé d'être occupées. Un autel de marbre du Vème siècle, trouvé sur le Foussa et déposé aujourd'hui dans l'église paroissiale, accrédite la thèse. Autre argument plaidant pour cette continuité d'occupation, les textes médiévaux mentionnent un second « fortilitium » au « Castrum de Ruinis ». Ce fortin pourrait bien être notre « Lion d'Or », que la tradition attribue aux Templiers. Avec son hameau, son prieuré dépendant de Montmajour qui deviendra l'église Saint-Etienne et son vaste cimetière, ce premier Rognes n'accèdera qu'à la dignité de faubourg. Eglise et nécropole fonctionneront néanmoins jusqu'à la fin du XVIIIème siècle.

La première mention du nom de notre village

Elle apparaît dans une sentence de 1150 signée par Imbertus et Théobertus de Rongnis. L'étymologie de « fort des ruines », pourrait être due aux vestiges des occupations antérieures. A moins qu'un antique Runius n'ait précédé les seigneurs médiévaux dans la possession de la forteresse ! Pour celle de « Foussa », les cadastres anciens révèlent que ce toponyme, paradoxal pour une hauteur (= le fossé en provençal), n'apparaîtra qu'au XVIIe siècle, à l'issue du démantèlement de la citadelle dont il ne resta plus à l'époque classique que le fossé comblé.

En 1193

Alphonse II, roi d'Aragon et comte de Provence remet au comte de Forcalquier trois villages dont Rognes.

En 1240

Sous Raymond Bérenger V, le comte aux quatre filles reines, Bertrand d'Alamanon, guerrier et troubadour, y hérite d'une co-seigneurie.

 

En 1307

Son fils Rican, amiral des flottes de Provence, échange avec Charles II ses droits sur le péage de Gontard contre la « seigneurie majeure» sur le pays.

 

L'heureux XIIIe siècle…

Ce siècle a vu une augmentation de la population qui, jusqu'à la grande épidémie de peste du siècle suivant atteindra les mille habitants. Un rempart dont les traces sont visibles embastionne la Galinière et le secteur de Saint-Martin.

En 1307

L'année 1307 est aussi la date de la première « universitas » des Rognens, assemblée de deux cent vingt chefs de famille, réunis pour désigner trois « syndics », qui seront habilités à « transiger » avec le seigneur. C'est le très précoce début d'une administration communale, avec perception d'impôts, maintien de l'ordre et représentation en justice.

En 1338

Vers 1338, l'antique chapelle Saint-Martin est agrandie pour devenir la nouvelle église paroissiale, encore dite Sainte-Marie dans les textes ou « sous le fort ». Son vocable de « Notre-Dame de Beauvezer », pourtant lié pour nous à celui d'une vénérable vierge en bois du XIIIème siècle, semble n'apparaître que beaucoup plus tard. Le faubourg des Baragis, la rue Neuve, la seconde place et la rue Droite, s'ébauchent lentement. A l'est, les « casaulx » du Ségarès, le long du « chemin du bateau » qui conduit au bac de la Durance, peuplent toujours les alentours de Saint-Etienne. En traversant les Ferrages et le jardin de l'Aumône, les femmes vont au « puits neuf » (1345) et au lavoir de la Fontvieille.

En 1400

En 1400, Pierre de Vincens et Galas d'Agoult épousent les deux filles d'Alamanon, famille tombée en quenouille. C'est par le grand Fouquet d'Agoult de Sault que la seigneurie passera, de 1489 à 1535, à Fouquet de Vincens, dit d'Agoult, tige pour deux siècles de la dynastie de ce nom. Le blason de Rognes est alors le loup des Agoult, au collier clouté pour « brisure ».

A la fin du XIVe siècle la population était retombée à quatre cents âmes, mais au XVème, elle se reconstitue rapidement. Pierre de Vincens construit un château « dans la plaine » initiant la construction, par les notables Rognens, de puissantes maisons sur caves voûtées d'arcs diaphragmes de la rue Neuve et de la rue Droite, future des Pénitents. La dénivellation importante au-dessus de leurs jardins formait rempart.

Le XVIe siècle

Le violent XVIe siècle (invasions liées aux guerres d'Italie, guerres de religion) obligera la communauté à construire en 1526 des portes à l'est et à l'ouest de cette protection. Mais en 1537, c'est un vrai rempart de huit cents mètres de circuit, ponctué de sept tours et de trois portes, dont deux à herses, qui sera réalisé, mettant intra-muros les jardins des notables et dessinant le bourg de l'époque classique.

A la fin du même siècle, les Rognens, pris en tenaille entre Ligueurs et Protestants se caractérisent par une totale loyauté au Roi. Ils accueillent favorablement Frix de la Salle, l'occupant gascon en charge du parti royaliste, mais ils reprennent la forteresse à son lieutenant et frère quand le capitaine félon est passé dans le camp de la Ligue. François de la Salle a-t-il été défénestré comme le dit la légende « du méchant seigneur » ? Aucun chroniqueur ne témoigne du fait. Mais il a bien été « sépulturé » à Rognes le 2 avril 1592.
Plus « royalistes que le roi », en hébergeant en 1595 les canons du duc d'Epernon contre les Aixois ralliés à Henri IV, les Rognens voient, comme les Puechens, démanteler leur forteresse entre 1597 et 1600. C'est la fin du monde féodal, Rognes entre dans l'époque moderne.

C'est aussi la fin des « Agoult de Rognes »: Julie a épousé Henri de Raffélis, un varois dont la dynastie s'achèvera pacifiquement à la Révolution. La nouvelle église, sous le vocable de Notre-Dame de l'Assomption (1607), se pare au cours des XVII et XVIIIe siècles de magnifiques retables, offerts par les riches « forains », nobles ou non nobles, qui occupent les grands domaines de la périphérie.

Leurs intérêts ne sont pas toujours conformes à ceux de la population. Dès 1626, l'autoritaire Julie d'Agoult interdit aux Rognens de construire des créneaux à leurs domaines : les consuls se vengent en donnant à la communauté son blason au verrou, avec en exergue « ferme bien qui pouvant tout fermer ne ferme rien ». Mais un peu avares, ils ne font pas enregistrer ces armoiries de la communauté, qui restent ignorées de la liste officielle.

Le village s'est étendu dans le vallon entre Foussa et Défens formant les belles rues de l'Eglise et du Figuier. La population atteint deux mille personnes à la fin du XVIIIe siècle. Un seigneur des « Lumières » favorise l'entretien de la voirie et la construction de maisons dans le faubourg de la Fontaine, future Bourgade.

Heureux village ! La peste de 1720, si meurtrière en Provence, n'y fera aucune victime ; la seconde chapelle Saint-Denis, sur la route d'Aix, est construite, en remerciement de cette éviction.

Le XIXe siècle

Le XIXe siècle connaît un développement tranquille, agrandissement des routes, bassin de Saint-Christophe lié au canal de Marseille, mais le début du XXe est plus tragique. Le Tremblement de Terre du 11 juin 1909 détruit tout le bâti médiéval qui restait aux pentes du Foussa, faisant quatorze victimes. Puis ce seront les quarante jeunes hommes victimes de la Grande Guerre.

Le médaillon monumental de la Vierge gravé par Servian dans la falaise en 1946, est encore un ex-voto, pour le peu de victimes du village de la Seconde Guerre Mondiale.

La population avait baissé à 1015 habitants en 1930, mais le phénomène récent de la « rurbanisation », au voisinage de la ville d'Aix, de Cadarache et de l'Etang de Berre, associé à l'attrait de notre région pour les rentiers et les retraités, nous vaut aujourd'hui une population de 4500 habitants.

Deux mille ans d'histoire, cela justifie bien quelques changements !

Pour en savoir plus :

  • Le site de l'Association  Amis du Patrimoine de Rognes
  • Les annales éditées par l’association « Les Amis du Patrimoine de Rognes »
  • « Rognes, Le Temps retrouvé » rédigé et illustré par l’association « Les Amis du Patrimoine de Rognes », édition équinoxe en 1997

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